Juil
2023

Les Accidents et le Télétravail

Deux arrêts des cours d’appel d’Amiens et St Denis de la Réunion qui doivent inciter à la prudence pour les salariés en télétravail et les accidents qui pourraient survenir.

Définition :

L’accident de travail est celui qui survient au temps et au lieu du travail.

Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise (c. séc. soc. art. L. 411-1).

Deux décisions de cours d’appel viennent éclaircir l’application de cette définition aux salariés en situation de télétravail. Ne survient pas au temps du travail l’accident survenu après le pointage de fin d’activité du salarié. Dans la même logique, l’accident qui survient sur la voie publique, même à proximité du domicile du salarié, ne se produit pas sur le lieu de travail.

Télétravail et accident du travail

Le code du travail décline ce principe au salarié en situation de télétravail : « l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale » (c. trav. art. L. 1222-9).

Le salarié en situation de télétravail bénéficie donc de la même présomption d’imputabilité que lorsqu’il exerce depuis les locaux de son employeur. De même, à défaut d’application de cette présomption, il lui appartient de prouver, par tout moyen, que l’accident est en lien avec son activité professionnelle.

La crise sanitaire du covid-19 aura contribué au développement massif du télétravail mais également à l’évolution de sa réglementation. Deux arrêts récents des juges du fond, rendus à l’occasion d’accidents survenus en télétravail pendant la crise sanitaire de 2020, tracent les premiers contours de l’application de la législation sur les accidents du travail au télétravail.

Temps du travail et télétravail : une décision qui se joue « à la minute » près !

Le premier arrêt a été rendu par la cour d’appel d’Amiens (CA Amiens, 15 juin 2023, nº 22/00474).

L’affaire concernait une salariée en télétravail sur un horaire courant, le jour de l’accident, de 7 h 30 à 12 h 22 et de 12 h 53 à 16 h 01. En remontant de son bureau aménagé dans son sous-sol, la salariée est tombée dans l’escalier et s’est fracturée le coude droit à 16 h 02.

Elle a déclaré l’accident le jour même à son employeur, à 17 h 33.

Pour la cour d’appel, la chute accidentelle a eu lieu alors que la salariée avait terminé sa journée de télétravail (après son pointage). La salariée n’était donc pas au temps du travail. La présomption d’imputabilité de l’accident au travail ne pouvait donc pas s’appliquer.

De ce fait, il appartenait donc à la salariée de démontrer le lien avec le travail pour une prise en charge au titre de la législation des accidents professionnels. Toutefois, au cas d’espèce, la cour considère que la salariée échoue dans sa démonstration de la survenance de l’accident par le fait ou à l’occasion du travail, puisqu’elle n’était plus sous la subordination juridique de son employeur. En effet, comme lors d’un pointage dans les locaux de l’entreprise, le pointage numérique permet d’établir clairement la frontière entre activité professionnelle et vie personnelle. L’accident du travail n’est pas reconnu.

Le raisonnement juridique est limpide, il n’appelle aucune critique et doit même être approuvé.

La Cour ajoute que la salariée n’a prévenu son employeur qu’à 17 h 33, le jour même de l’accident. Toutefois, cet argument surabondant ne semble pas devoir être retenu. En effet, même si le salarié doit évidemment prévenir son employeur dans les meilleurs délais de l’accident survenu, la victime dispose d’un délai de 24 heures pour déclarer l’accident.

Par contre, on peut comprendre le raisonnement de la Cour en situation de télétravail. Il est certain qu’à défaut de témoin présent lors de l’accident, le salarié victime a effectivement intérêt à informer son employeur dans les meilleurs délais de sorte à éviter un éventuel doute quant au moment ou aux circonstances de la survenance du fait accidentel.

L’arrêt permet de renforcer l’intérêt des dispositifs de contrôle de la durée du travail des salariés y compris en situation de télétravail. En effet, au-delà de la capacité de l’employeur de mesurer la charge de travail, le pointage numérique/à distance permet de poser les bornes de la vie professionnelle et donc de la responsabilité de l’employeur.

À l’inverse, un système déclaratif des horaires de travail plus aléatoire n’aurait certainement pas permis de tracer la levée du lien de subordination avec l’employeur.

Lieu du travail et télétravail : à quelques mètres du domicile

Le second arrêt a été rendu début mai par la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion (CA Saint Denis, 4 mai 2023, nº 22/00884).

Cette fois, il s’agissait d’un salarié en télétravail qui est sorti sur la voie publique en raison d’une panne de connexion internet pour discuter avec le chauffeur du camion qui venait de heurter le poteau téléphonique supportant sa ligne fournissant internet. Un second véhicule a de nouveau tiré sur les câbles distendus, faisant tomber le poteau qui a touché le salarié dans sa chute.

La présomption d’imputabilité est écartée au motif que le salarié était sur la voie publique. Il avait quitté son domicile, il n’était donc pas au lieu du travail. Là encore, le salarié a échoué à établir un lien avec son activité professionnelle.

En effet, pour la cour, en sortant de son domicile, le salarié a cessé sa mission pour un motif personnel. Aucune obligation ne lui ayant été faite par son employeur de trouver l’origine de la panne ou de renseigner utilement l’opérateur téléphonique.

Le salarié ne se trouvait donc ni sur son lieu de travail, ni sous l’aire d’autorité de son employeur dès lors qu’il ne relevait pas de ses missions contractuelles d’identifier l’origine de la panne informatique. L’accident du travail n’est pas reconnu.

Là encore, le raisonnement juridique est limpide, il doit être approuvé.

Conclusion :

Pour éviter tout débat, les entreprises doivent veiller à spécifier dans l’avenant au contrat autorisant le salarié à télétravailler le lieu dans lequel il peut être exercé ; de la sorte la présomption d’imputabilité pourrait être écartée pour tout accident qui surviendrait en dehors de ce lieu.

De même, il est possible de rappeler que le télétravail n’a aucune incidence sur les missions contractuelles du salarié qui demeure tenu des mêmes exigences. Au-delà de la nature des missions, les mêmes exigences s’appliquent quant aux délais de restitution et plus largement à la productivité attendue du salarié.

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