Août
2018

LES MENTIONS OBLIGATOIRES SUR LES BULLETINS DE PAIE

Suite à une jurispudence du 12 juillet dernier, portant sur la mention d’une convention collective sur le bulletins de paie, nous jugeons utile de rappeler les mentions légales obligatoires (c. trav. art. R. 3243-1 à R. 3243-5)

Depuis le 1er janvier 2018, la présentation des bulletins de paie a été généralisée pour tous les employeurs. Des normes de présentation pour certaines rubriques sont à appliquer. La présentation des rubriques concernées n’est plus libre. Il convient de respecter, pour les mentions du bulletin de paye relatives aux cotisations et au coût du travail, un ordonnancement et des libellés définis (c. trav. art. R. 3243-2).

Le fait de méconnaître les dispositions relatives à la présentation du bulletin de paye est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe (c. penal art. 131-13) (c. trav. art. R. 3246-2)

Mentions relatives aux parties (Entreprise / Salarié)

Identification de l’employeur :

Le bulletin de paye indique le nom et l’adresse de l’employeur ainsi que, le cas échéant, la désignation de l’établissement dont dépend le salarié (c. trav. art. R. 3243-1, 1°).

Code NAF :

Le code NAF caractérisant l’activité de l’établissement d’emploi doit figurer sur le bulletin de paye (c. trav. art. R. 3243-1, 2°).

URSSAF :

Caractère obligatoire supprimé – La référence de l’organisme de sécurité sociale (URSSAF, CGSS ou CMSA) et le numéro sous lequel ces cotisations sont versées ne sont plus des mentions obligatoires, depuis le 1er janvier 2017 ou à partir de 2018 selon l’effectif de l’entreprise.

Convention collective :

La convention collective de branche applicable au salarié figure sur son bulletin de paye (c. trav. art. R. 3243-1, 3).

Si aucune convention collective n’est applicable, l’employeur est tenu de faire apparaître la référence aux articles du code du travail sur les durées des congés payés et du préavis : « Durée des congés payés : code du travail, art. L. 3141-3 et s. » ; « Durée du préavis : code du travail, art. L. 1234-1 à L. 1234-8 et L. 1237-1 »

Nom et emploi du salarié :

Le nom, le prénom et l’emploi* (*voir classification) du salarié sont indiqués sur le bulletin (c. trav. art. R. 3243-1, 4°).

Classification conventionnelle :

La position du salarié dans la classification conventionnelle doit figurer sur le bulletin de paye. Elle est notamment définie par le niveau ou le coefficient hiérarchique qui lui est attribué (c. trav. art. R. 3243-1, 4°).

L’intitulé de l’emploi occupé correspond à l’appellation courante sous laquelle sont reconnues les fonctions du salarié, à savoir le métier dont la définition figure dans la classification de la convention collective ou l’appellation spécifique à l’entreprise.

Cette indication permet au salarié de se situer dans la hiérarchie et de contrôler l’application des salaires minimaux correspondants. Les mentions de l’emploi et de classification sont cumulatives et non alternatives.

En l’absence de dispositif conventionnel applicable, il n’y a pas lieu d’indiquer une position.

Mentions relatives à la durée du travail

Le bulletin de paye doit indiquer la période et le nombre d’heures auxquels se rapporte la rémunération (c. trav. art. R. 3243-1, 5°)

Mentions relatives aux congés payés

Dates des congés :

Lorsqu’une période de congés payés est comprise dans la période de paye, le bulletin indique les dates des jours de congés (c. trav. art. R. 3243-1, 12°).

Indemnité de congés payés :

L’indemnité de congés payés* doit être mentionnée sur le bulletin de paye (c. trav. art. R. 3243-1, 12°).

Indemnité compensatrice de congés payés :

L’indemnité compensatrice de congés payés*, versée au départ du salarié n’ayant pas soldé ses droits à congés, doit figurer distinctement sur le bulletin de paye.

Mentions relatives à la rémunération

Salaire et accessoires de salaire soumis à cotisations :

Le salaire brut fait partie des éléments à indiquer sur le bulletin de paye.

La mention des primes et accessoires de salaire soumis à cotisations est obligatoire (c. trav. art. R. 3243-1, 6°).

Ces éléments doivent être indiqués séparément sous l’appellation prévue par le texte légal ou conventionnel ou l’usage qui institue leur versement.

Montant de la rémunération totale brute :

La rémunération totale brute doit figurer sur le bulletin de paye (c. trav. art. R. 3243-1, 7°).

Net à payer :

Le bulletin de paye doit indiquer le montant de la somme effectivement reçue par le salarié (c. trav. art. R. 3243-1, 10°).

Activité partielle :

À l’occasion du paiement des allocations liées au recours à l’activité partielle, l’employeur doit remettre au salarié un document indiquant les heures indemnisées, les taux et les sommes versées (c. trav. art. R. 5122-17). Ces mentions peuvent figurer sur le bulletin de paye.

Mentions relatives aux cotisations et le coût du travail

Maquettes officielles et libellés :

Un arrêté fixe les libellés à respecter, l’ordre et le regroupement des informations relatives aux cotisations et contributions, aux allégements et au coût total supporté par l’employeur (arrêté du 25 février 2016, JO du 26, texte 15, modifié par arrêté du 9 mai 2018, JO du 12, texte 34).

Jusqu’au 31 décembre 2018, deux modèles types sont prévus, un pour les salariés non-cadres et un pour les cadres.

À compter du 1er janvier 2019, du fait de la mise en place du régime unifié de retraite complémentaire* AGIRC-ARRCO, il n’y aura plus qu’une seule trame de bulletin de paye.

Mentions requises :

Le bulletin de paye doit indiquer (c. trav. art. R. 3243-1, 8° a) :

  • le montant et l’assiette des cotisations et contributions d’origine légale et conventionnelle, à la charge de l’employeur et du salarié, avant déduction des exonérations et exemptions correspondant à une série de dispositifs listés par arrêté ;
  • les taux des cotisations et contributions d’origine légale et conventionnelle à la charge du salarié.

Les taux des cotisations et contributions patronales ne doivent pas apparaître (c. trav. art. R. 3243-1, 8° a, modifié par décret 2017-858 du 9 mai 2017, chapitre V art. 10, JO du 10).

Présentation des cotisations :

Les lignes de cotisations de protection sociale sont libellées, regroupées et ordonnées par risque couvert, ainsi que les éléments à charge de l’employeur, conformément aux modèles fixés par arrêté. La CSG et la CRDS sont regroupées (d’un côté, CSG et CRDS non déductibles imposables à l’impôt sur le revenu, de l’autre, CSG déductible non imposable) (c. trav. art. R. 3243-2).

Rubriques relatives aux exonérations de cotisations :

Le bulletin de paye doit indiquer le montant total d’un certain nombre d’exonérations et exemptions listées par arrêté (c. trav. art. R. 3243-1, 13°).

Les éxonérations concernées sont visées dans l’arrêté du 25 février 2016, art. 4, JO du 26) :

Montant total versé par l’employeur :

Les nouvelles règles de présentation du bulletin de paye prévoient une rubrique « Total versé par l’employeur », qui doit être présentée conformément aux modèles fixés par arrêté.

Ce montant correspond à la somme de la rémunération brute du salarié et des cotisations et contributions patronales retracées sur le bulletin de paye, déduction faite des exonérations et exemptions de cotisations dont l’employeur bénéficie

Gain lié à la suppression des cotisations chômage et maladie :

Depuis le 13 mai 2018, une rubrique intitulée « dont évolution de la rémunération liée à la suppression des cotisations chômage et maladie » doit être portée sur les bulletins de paye conformément aux modèles fixés par arrêté.

Mentions relatives au Net Imposable et Prélèvement à la source

Salaire net imposable :

Le salaire net imposable est égal au salaire brut fiscal diminué des cotisations déductibles du revenu imposable.

Juridiquement, ce n’est pas une mention obligatoire du bulletin de salaire bien qu’elle soit généralisée.

Prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu :

Les employeurs devront mettre en œuvre le prélèvement à la source* (PAS) au titre des rémunérations versées à partir du 1er janvier 2019.

À partir de cette date, le bulletin de paye devra mentionner les informations suivantes (c. trav. art. R. 3243-1, 9°) :

  • l’assiette, le taux et le montant de la retenue à la source opérée au titre du PAS ;
  • la somme qui aurait été versée au salarié en l’absence de retenue à la source (à distinguer de la somme effectivement versée après retenue à la source).

Mentions relatives aux Déductions et Ajouts divers

Déductions diverses :

Le bulletin de paye doit mentionner la nature et le montant de toutes les retenues réalisées sur la rémunération brute (c. trav. art. R. 3243-1, 8°, b). Le détail des sommes déduites doit figurer distinctement.

Ces déductions peuvent être les suivantes :

  • Acomptes, avances, titre-restaurant, récupération des trops perçus….
  • Saisies sur rémunérations, avis à tiers détenteur, pensions alimentaires….

Sommes non soumises aux cotisations :

Le bulletin de paye doit mentionner la nature et le montant de tous les versements qui s’ajoutent à la rémunération brute (c. trav. art. R. 3243-1, 8°, b).

Sont essentiellement visées des sommes non assujetties à cotisations, versées en même temps que le salaire

Mentions relatives à la Date de paiement et informations

Date de paiement :

La date de paiement de la somme effectivement versée au salarié fait partie des mentions obligatoires (c. trav. art. R. 3243-1, 11°). Elle permet de contrôler la régularité du paiement.

Incitation à conserver le bulletin :

Le bulletin de paye doit comporter en caractères apparents une mention incitant le salarié à le conserver sans limitation de durée (c. trav. art. R. 3243-5). Cette obligation tend à faciliter au salarié sa reconstitution de carrière.

Renvoi à www.service-public.fr :

À compter du 1er janvier 2017 ou 2018 selon l’effectif de l’entreprise, une mention relative à la rubrique dédiée au bulletin de paye sur le portail www.service-public.fr (https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F559) doit figurer sur le bulletin de salaire (c. trav. art. R. 3243-1, 15°).

Mentions Interdites

Il ne doit être fait mention ni de l’exercice du droit de grève, ni de l’activité de représentation du personnel (c. trav. art. R. 3243-4) :

On ne fera pas non plus apparaître sur le bulletin :

  • les autres formes de représentation des salariés (ex. : conseiller prud’homal, membre d’une commission paritaire d’un conseil d’administration) ;
  • tout congé pouvant déterminer un comportement du salarié (ex. : solidarité internationale).

On notera que l’employeur ne doit faire figurer aucune mention qui puisse porter atteinte au droit des personnes et aux libertés individuelles ou collectives (c. pén. art. 226-1 ; c. trav. art. L. 1121-1).

JURISPRUDENCE

Convention collective sur le bulletin de salaire

Si aucune convention collective n’est mentionnée sur un bulletin de paie, deux situations doivent être distinguées.

• Si l’entreprise n’est soumise à aucune convention collective, le bulletin de salaire remis au salarié doit au moins indiquer la référence du Code du travail pour les règles relatives à la durée des congés payés ainsi qu’à la durée des délais de préavis en cas de fin du contrat de travail.

• Si l’entreprise est soumise à une convention collective, les tribunaux (voir notamment un arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 17 mai 2016, arrêt n°14-21872) considèrent que l’absence de mention peut entrainer le versement de dommages et intérêts par l’employeur, mais à condition que le salarié parvienne à prouver l’existence du préjudice subi.

Pour savoir si un salarié peut se prévaloir de la convention, les juges tiendront compte de l’intention de l’employeur d’appliquer ou non le texte. La jurisprudence a par exemple pu estimer qu’un salarié ne pouvait pas prétendre en bénéficier dès lors que la convention ne lui était pas applicable et qu’elle n’avait jamais été appliquée volontairement par l’employeur (arrêt n° 17-14699 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 12 juillet 2018).

A l’inverse, si l’employeur a appliqué la mauvaise convention collective plusieurs années de suite, il lui sera difficile d’apporter la preuve qu’il s’est trompé. C’est le cas, par exemple, d’une convention collective mentionnée sur le bulletin de paie pendant plus de 2 ans, la Cour de Cassation (arrêt n°11-22642 rendu par la même chambre le 9 janvier 2013) ayant estimé que la délivrance de fiches de paie sur une période aussi longue ne résultait pas d’une erreur.

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Un salarié, chirurgien-dentiste, avait saisi les prud’hommes de plusieurs demandes, dont un rappel de salaire.

Il se fondait sur la mention d’une convention collective sur ses bulletins de salaire pour demander son application.

Concrètement, les bulletins en question mentionnaient la « valeur du point », un « statut C », ainsi que la convention collective nationale de la mutualité. Le salarié estimait donc que cette mention valait présomption de son application à son égard et que son employeur n’apportait pas la preuve contraire.

Mais les juges du fond n’ont pas suivi le salarié. Ils relèvent notamment que :

  • la rémunération du salarié n’était établie, ni en fonction du statut indiqué (« statut C »), lequel d’ailleurs n’existe pas en tant que tel dans le texte conventionnel, puisqu’il est nécessairement assorti d’un chiffre (C1 à C4), ni par référence à la grille de salaire conventionnelle ;
  • l’employeur produisait les bulletins de paie démontrant que les modalités de calcul du salaire de l’intéressé ne relevaient pas des dispositions conventionnelles ;
  • si l’employeur ne contestait pas appliquer le régime de protection sociale complémentaire aux chirurgiens-dentistes, il justifiait sa position, non par la volonté d’appliquer des dispositions conventionnelles à ces derniers, mais par des considérations légales et réglementaires, l’obligeant, pour pouvoir bénéficier de l’exonération de charges sociales sur sa contribution, à faire bénéficier l’ensemble des salariés d’un même régime complémentaire.

Saisie à son tour, la Cour de cassation rappelle que si la mention d’une convention collective sur le bulletin de paie vaut présomption de son application à l’égard du salarié concerné, l’employeur est admis à apporter la preuve contraire.

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